La tension était palpable. Chacun était sur le qui-vive et attendait le moindre faux pas pour attaquer. Emeric fut le premier à tirer sans hésitation sur la vampire dressée devant lui. Cette dernière évita d’une facilité déconcertante la balle, le message était clair, le chasseur voulait l’affronter. L’épéiste posa les pieds à terre, acceptant de ce fait le duel. Durant sa descente, ses cheveux en tie and dye roux-blond ainsi que son manteau sombre ornée de dorure similaire à sa jupe voletèrent montrant toute sa grâce et son adresse. Emeric la regardait avec détermination, il ne devait absolument pas se laisser distraire. 

“- Il est intimidé par Artemis !” chantonna l’humaine.
“- Dois-je te rappeler que tu dois l’appeler Madame ?” 
“- Oui oui, je sais, mais elle m’a autorisé à l’appeler par son prénom.”
“- Cela n’enlève en rien le fait que tu sois sa servante.”
“- Oh ! Ça commence ! Tu penses qu’il va y arriver ? Il stresse d’être en face d’elle ? Attend… Il pleure ? Pourtant, elle ne lui a encore rien fait ! Ah non, c’est juste de la sueur ahah. Diiiis, tu penses que son arme est faite en quoi ???”
“- Observe en silence et ne les déconcentres pas.”

Les deux avaient compris qu’elles devaient rester en retrait. La brune observait avec attention chaque mouvement des deux opposants comme si elle les évaluait. Le silence était pesant, aucun oiseau ne chantait, seul le sifflement du vent pouvait être perçu à travers les branches d’arbres. Erwann, de son côté, avait voulu prendre part au combat, mais le chasseur l’en empêcha d’un simple regard. Le duel devait rester entre lui et la vampire.
D’ailleurs, cela avait enfin commencé.
L’adversaire d’Emeric prit son épée et la rangea dans son fourreau comme pour le provoquer, l’action était d’une lenteur insoutenable. Une fois terminée, elle regarda le chasseur tout en sortant une dague qui était dissimulée dans le haut supérieur de ses bottes. L’homme déduit qu’il n’était pas assez fort pour lui faire face, venait-elle de toucher l’égo d’un chasseur de vampire ?
Il tira de nouveau, la réponse était claire. Elle s’écarta sur le côté pour éviter la balle et dans son élan, elle s’approcha rapidement pour être à un mètre de lui. Par réflexe, Emeric recula, mais il était loin d’être en sécurité. Artemis sortit l’épée de son fourreau dont la garde tapa le fusil par le dessous faisant lâcher l’arme qui vola un peu plus loin. Ne perdant pas son sang-froid, le chasseur prit un pistolet et appuya sur la gâchette. La rousse se décala de nouveau pour éviter la balle et dans le feu de l’action Emeric profita de la faible distance entre eux pour lui donner un coup de poing. Artemis ne put esquiver et se le prit dans l’abdomen. Elle pesta intérieurement, mais c’était l’occasion pour elle de passer à l’offensive. Tout comme lui, elle profita de leur proximité pour lui attraper le poignet, replaçant ses pieds correctement pour être stable et le souleva pour terminer sa prise en le plaquant au sol. Son dos heurta violemment la terre ce qui lui coupa le souffle. La vampire ne lui laissa pas le temps de s’en remettre, car elle lui écrasa la main qui tenait le pistolet pour le faire lâcher. Elle éloigna l’arme d’un coup de pied ce qui fit fulminer de colère son adversaire. Le combat n’était pas pour autant terminé, le chasseur dégaina un couteau avec sa main valide pour lui asséner un coup, mais il fut interrompu. 

Un bruit sourd semblable a un roulement de tambours se fit entendre de plus en plus distinctement accompagné de respirations saccadées, rappelant les désastres que pouvaient engendrer un tremblement de terre.

La vampire rejoignit immédiatement ses alliées tandis que l’humain se relevait péniblement. Toutes les personnes présentes sentirent que quelque chose arrivait sur eux. Emeric siffla et Erwann vint directement avec les armes entremêlées dans ses queues.

“- Madame, Anna, à 3h !” prévient la vampire brune.

L’origine du vacarme ne mit pas très longtemps à apparaître. De grands animaux firent irruption à travers les arbres, effrayés de tous les combats qui faisaient rage dans les environs. Elles ressemblaient à des bisons d’Europe, leur tête était recouverte de mousse et d’une peau rocailleuse. Leur pelage sombre n’inspirait pas confiance, mais leurs feuilles bleutées, sur l’ensemble de leur colonne vertébrale, apportaient un peu de douceur à ses imposantes créatures. Leur teinte était opposée à celles d’Erwann qui avait des couleurs plutôt chaudes comme les autres animaux de la région.

En les étudiant, Emeric comprit rapidement que ces bêtes ne venaient pas d’ici. Il se rappelait que son père lui racontait qu’au-delà d’Hélisaz un voile épais recouvrait le territoire, indiquant l’emplacement de la capitale des vampires. Tout portait à croire que la couche empêchait les rayons du soleil de passer à travers ce qui pouvait expliquer les couleurs sombres de ces bisons. Le brun pouvait déduire que les animaux qui le chargeaient venaient de ces terres.

Le troupeau arrivait à une vitesse folle, il n’y avait plus de place à la réflexion. Il fallait agir et vite. Emeric ne voulait plus perdre de temps, la solution la plus appropriée était de les ramener vers leur terre d’origine, mais pour ce faire, il fallait calmer ces bisons.

“- Anna à l’arrière, avance-les vers moi ! Elena sur le côté, regroupe-les !” 
“- Bien Madame !”
“- Okay Artemis !”

Artemis prenait déjà les initiatives. Les voyant s’organiser, Emeric fit signe à Erwann. Le loup comprit rapidement l’ordre, car il partit en courant rejoindre Anna pendant que l’homme se mit à l’opposé d’Elena. Ensemble, ils regroupèrent le troupeau qui se calma progressivement.

Un sifflement retentit. Un cheval apparut depuis l’orée de la forêt et vint se placer au côté de la rousse. L’animal faisait environ deux mètres de haut et une partie de son pelage s’illuminait dans la nuit d’une belle couleur turquoise. Possédant une paire de pattes en plus, il s’en servait pour aider sa maîtresse à monter facilement. Une fois sur sa monture, la vampire passa devant le chasseur et d’un simple échange de regard, sans un seul mot, un accord symbolique fut conclu. Le combat était loin d’être terminé, mais ils devront attendre la prochaine rencontre et une chose était sûre, Emeric ne voulait pas rester sur un combat inachevé.

“- Allons-y !” 

Le troupeau commençait à se déplacer, guidé par les femmes à travers la forêt. Tout s’était passé si rapidement que le chasseur était resté là, à les observer. Il était évident qu’elles étaient bien plus aptes que lui à s’occuper de ces animaux. Le cheval qui les accompagnait avait un pelage similaire aux bisons et donc devait vivre dans le même environnement.
Ce qu’il en pensait de tout ça ? Le chasseur leva les yeux au ciel, le soleil apparaissait déjà petit à petit à travers la cime des arbres.

Il était l’heure pour eux de rentrer.

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Le retour au village se passa sans encombre. Bien évidemment, Erwann ne put s’empêcher d’aller chercher un petit gibier sur la route. Après tout, il l’avait bien mérité et la route était assez longue. Il était vers les alentours de onze heures quand ils virent enfin les bois familiers qui entouraient leur village. Les chênes ont toujours été là comme les protecteurs des lieux. La terre était foulée par les différents passages des êtres vivants. 

Il y avait beaucoup d’animaux, d’agricultures et les habitants étaient très accueillants. Etant un endroit spécialisé dans la défense des humains, leur village incitait les espèces de tout sorte, l’exception étant les vampires, à s’y rendre. Cela était dû principalement à la sécurité apportée par les chasseurs mais aussi par l’influence commerciale donnée par les marchands du monde entier.

Bien sûr, l’endroit était réputé pour être l’un des meilleurs villages de la région, les chasseurs, eux, y sont vus comme des héros. L’arrivée d’Emeric ne passa donc pas inaperçue et tout le monde était au courant de son retour. Lorsqu’il regardait son village, le brun grognait en voyant l’attroupement des habitants, la foule faisait ça pour chaque chasseur qui revenait. 

“- Emeric ! Emeric !”
“- Le héros des humains est de retour !”
“- Combien de vampires a-t-il tué cette fois ?”
“- Je parie une centaine !”
“- Pff ! Vous êtes bêtes ! Il ne va jamais compter toutes ses victimes ! 

Le jeune homme soupira. C’était vraiment ce qu’il détestait le plus, les paris, spéculer et inventer des ragots. Il fit signe à Erwann de bien rester à côté de lui pour traverser la marée humaine qui lui faisait face, soit en hochant la tête pour faire plaisir aux habitants soit en regardant les enfants emplis d’admiration. Quand il était petit, lui-même était l’un d’entre eux et avait pour habitude d’observer avec admiration les chasseurs qui rentraient, il ne voulait donc pas les décevoir. 

“- Tu en fais une de ses têtes ! T’es pas content de me voir ?”

Emeric regarda la personne qui venait de parler. C’était une jeune femme de dix neuf ans et deux centimètres en moins que l’homme. Ses cheveux étaient d’une couleur rare dans les environs, roses pâles. Erwann se précipita vers elle, heureux de la voir. Emeric, au contraire, grommela avant de continuer son chemin à l’intérieur du village. 

“- Un bonjour ferait plaisir…”
“- Hey Lys.” salua l’homme en levant les yeux au ciel.
“- Voilà qui est déjà mieux, espèce de rabat-joie !”